L’alimentation intuitive, concept développé au milieu des années 90, désigne un comportement alimentaire basé sur l’écoute et le respect de ses sensations alimentaires. Cette approche prend le contre-pied de toutes les injonctions qui peuvent nous conduire à exercer un contrôle mental sur notre alimentation, avec un résultat contre-productif puisque pourvoyeur de restriction cognitive : « je ne vais pas manger cette part de gâteau car je vais grossir ». « J’élimine le fromage de mon alimentation car cela fait grossir »…
Cette restriction cognitive est un véritable cercle vicieux car ce contrôle mental nous demande une énergie qui s’épuise dans la durée, et se solde inévitablement par un élan vers ces aliments dont nous nous sommes privés, souvent sur un mode compulsif, avec un sentiment de culpabilité en prime, lequel nous pousse à nouveau à nous priver de ses aliments défendus. Le cercle vicieux s’installe, selon le principe bien connu du yo-yo.
Certains mets ou aliments véhiculent une image de plaisir défendu qui développe en nous une « attraction-répulsion ». Or, aucun aliment n’est mauvais en soi. Seule notre comportement vis-à-vis d’eux peut devenir inadapté (exception faite de l’alimentation ultra transformée sur laquelle je ne manquerai pas de revenir).
Notre organisme est une machine si formidablement conçue qu’il est doté d’un système de régulation nous permettant de consommer autant de calories que nous en en dépensons, en mangeant lorsque nous avons faim et en nous arrêtant de manger lorsque nous sommes rassasiés. Ce système de régulation est efficient lorsque nous sommes à notre poids d’équilibre (lequel est défini comme le poids auquel les signaux de faim et de satiété se régulent parfaitement).
Ce mécanisme fonctionne très bien chez les enfants, puis s’estompe petit-à-petit, sous la pression de notre environnement.
Prenons un exemple : vous êtes invités chez des amis avec vos jeunes enfants. Vous profitez d’un apéritif bien garni en amuse-bouches de toutes sortes. Une fois à table, vos enfants, bien rassasiés par cet apéritif, ne mangeront souvent plus rien, sans se soucier une seule seconde de la possibilité de vexer votre hôte. Quant à vous, vous n’avez plus vraiment faim mais la politesse élémentaire vous fait faire honneur au repas. En effet, on imagine mal dire après un apéritif qui a bien souvent comblé nos besoins : « Vous êtes gentils mais je vais m’arrêter là », alors que trois ou quatre plats vous attendent encore…
On comprend donc bien que la vie en société créé des freins à une alimentation intuitive au sens strict. Nous sommes amenés en de nombreuses occasions à dépasser nos besoins, les fêtes de fin d’année et ses repas gargantuesques en témoignent. Mais toujours selon ce principe de régulation, notre organisme cherchera par la suite à retrouver le poids auquel il se sent bien (notre poids d’équilibre ou « set-point »), ce qui doit nous conduire naturellement, après des excès, à manger moins au cours du ou des repas suivants. Nul besoin de cure détox pour nous purifier (pure invention maketing)…
Pour finir, outre l’écoute de nos sensations alimentaires (faim, rassasiement et satiété), cette approche respecte notre appétence naturelle pour certains aliments, car le plaisir est une composante fondamentale de l’acte de se nourrir. Nous sommes naturellement attirés par les aliments dits « gras et sucrés », qui nous procurent ce plaisir. Toute lutte contre cet attrait revient à lutter contre notre nature et le plaisir satisfait participe pleinement au processus de rassasiement.
En bref, manger ce qui nous fait plaisir et sans interdits nous permet en réalité de manger moins.
Loin de moi l’idée de faire l’apologie d’une alimentation intégralement composée d’aliments gras et sucrés, mais sachez qu’ils peuvent tout-à-fait trouver leur place au sein d’une alimentation équilibrée.
La célèbre citation d’Oscar Wilde trouve en la matière sa meilleure illustration : « le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder »…
On prendrait bien une bonne part de galette à la frangipane pour fêter ça !